6 mai 1972 (Avec une Puissance formidable qui PRESSE sur le monde.)
Mčre
l'Agenda
(Mère «regarde»)
Tu vois quelque chose?
(silence)
Je te l’ai déjà dit, je crois: il y a comme une Force dorée qui appuie (geste de pression), qui n’a pas de consistance matérielle, et pourtant qui semble terriblement lourde...
Oui, oui.
...et qui appuie sur la Matière, comme ça, pour obliger, l’obliger à se tourner vers le Divin intérieurement – pas une fuite extérieure (geste en haut): intérieurement pour se tourner vers le Divin. Et alors, le résultat apparent, c’est comme si les catastrophes étaient inévitables. Et en même temps que cette perception de catastrophe inévitable, il y a des solutions à la situation, des événements qui apparaissent, eux, tout à fait comme miraculeux.
C’est comme si les deux extrêmes devenaient plus extrêmes: comme si ce qui est bon devenait meilleur, ce qui est mauvais devenait pire. C’est comme cela. Avec une Puissance formidable qui PRESSE sur le monde. C’est cela, mon impression.
Oui, c’est perceptible.
Oui, ça se sent comme cela (Mère palpe l’air). Et puis, dans les circonstances alors, à la fois, des tas de choses qui généralement se passent d’une façon indifférente, qui deviennent aiguës: des situations, des différences qui deviennent aiguës; des mauvaises volontés qui deviennent aiguës; et en même temps des miracles extraordinaires – extraordinaires. Des gens qui sont sauvés et qui étaient sur le point de mourir, des choses qui étaient inextricables et tout d’un coup s’arrangent.
Et alors, pour les individus aussi c’est comme cela.
Ceux qui savent se tourner vers... (comment dire?) qui SINCÈREMENT font appel au Divin, qui sentent que c’est le seul salut, que c’est le seul moyen d’en sortir et qui sincèrement se donnent, alors... (geste d’éclatement) en quelques minutes, ça devient merveilleux – pour les toutes petites choses: il n’y a pas de petit et de grand, d’important et de pas important, c’est tout la même chose.
Les valeurs changent.
C’est comme si la vision du monde changeait.
(silence)
C’est comme pour donner une idée du changement dans le monde par la descente du Supramental. Vraiment les choses qui étaient indifférentes deviennent catégoriques: une petite erreur devient catégorique dans ses conséquences, et une petite sincérité, une petite aspiration vraie devient miraculeuse dans son résultat. Ce sont les valeurs qui sont augmentées dans les gens. Et au point de vue même matériel, la moindre, la moindre faute a de grosses conséquences, et la moindre sincérité dans l’aspiration a de merveilleux résultats.
Ce sont les valeurs qui sont augmentées, précisées.
Douce Mère, tu parles de faute, d’erreur – je ne sais pas si c’est une aberration, mais j’ai une impression de plus en plus précise que la faute, l’erreur, tout cela, ce n’est pas vrai. Ce n’est pas comme cela. C’est un moyen... comment dirais-je? Oui, c’est un moyen d’élargir le champ d’aspiration.
Oui, oui parfaitement.
C’est la douleur – la faute, l’erreur, c’est la douleur, et c’est le moyen d’éveiller l’aspiration dans des endroits encore plus profonds.
Oui, c’est certain. La perception d’ensemble, c’est que tout est-tout est voulu en vue de l’ascension consciente du monde. C’est la conscience qui se prépare à devenir divine. Et c’est parfaitement vrai: ce que nous considérons comme des fautes, c’est tout à fait dans la conception humaine ordinaire, tout à fait, tout à fait.
La seule faute – s’il y en a une –, c’est de ne pas vouloir autre chose. Mais à partir du moment où l’on veut autre chose...
Mais ce n’est pas une faute, c’est une imbécillité!
Oui, c’est cela, c’est une imbécillité. Mais à partir du moment où l’on veut autre chose, j’ai l’impression que toutes les erreurs ou les fautes, tout sert.
Oui, oui. Oui, parfaitement. N’est-ce pas, c’est très simple: il faut que toute la création ne veuille que le Divin, que manifester le Divin; et tout ce qu’elle fait (comme toutes ses prétendues erreurs), ce sont des moyens de rendre inévitable que toute la création doit manifester le Divin – mais pas le «Divin» tel que l’homme le conçoit, n’est-ce pas, avec des «ceci et pas cela» et toutes sortes de restrictions: un ENSEMBLE d’une puissance et d’une lumière formidables.
C’est vraiment la Puissance dans le monde, une Puissance nouvelle et formidable qui est venue dans le monde et qui doit manifester et rendre (si l’on peut dire) «manifestable» cette Toute-Puissance divine.
Je suis arrivée à cette conclusion: en regardant, en observant, j’ai vu que ce que nous appelons «supramental» faute d’un mot meilleur, ce Supramental rend la création plus sensible au Pouvoir supérieur, que nous appelons «divin» parce que nous... (il est divin par rapport à ce que nous sommes, mais...). C’est quelque chose (geste de descente et de pression) qui doit rendre la Matière plus sensible et plus... (si le mot existe) «responsive» à la Force. Comment dire?... Maintenant, tout ce qui est invisible ou insensible est pour nous irréel (je veux dire pour l’être humain en général); nous disons qu’il y a des choses «concrètes» et des choses qui ne le sont pas; alors cette Puissance, ce Pouvoir, qui n’est pas matériel, devient plus concrètement puissant sur la terre que les choses terrestres matérielles. C’est cela.
C’est cela, la protection et le moyen de défense des êtres supra-mentaux. Ce sera une chose qui n’est pas en apparence matérielle, et qui a un pouvoir sur la matière plus grand que les choses matérielles. Ça, ça devient de jour en jour, d’heure en heure plus vrai. L’impression que cette Force, quand elle est dirigée par ce que nous appelons le «Divin», elle peut, elle peut vraiment – tu comprends, elle a le pouvoir de faire mouvoir la Matière, elle peut produire un accident matériel; et elle peut sauver d’un accident tout à fait matériel, elle peut supprimer les conséquences d’une chose absolument matérielle – elle est plus forte que la Matière. Ça, c’est ce qu’il y a de tout à fait nouveau et d’incompréhensible. Et alors, ça fait... (geste frémissant dans l’atmosphère), ça produit une espèce d’affolement dans la conscience ordinaire des gens.
C’est cela. Il semble que... ce n’est plus comme c’était. Et vraiment il y a quelque chose de nouveau – ce n’est plus comme c’était.
Tout notre bon sens, toute notre logique, tout notre sens pratique: par terre! perdu – n’a plus de force. N’a plus de réalité. Ne correspond plus à ce qui est.
C’est vraiment un monde nouveau.
(silence)
C’est ce qui, dans le corps, a de la difficulté à s’adapter à cette Puissance nouvelle, qui crée le désordre et les difficultés, les maladies. Mais tout d’un coup, on sent que si l’on était pleinement réceptif, on deviendrait formidable. C’est cela, l’impression. C’est l’impression que j’ai de plus en plus: que si toute la conscience, toute la conscience la plus matérielle – la plus matérielle – était réceptive à cette Puissance nouvelle... on deviendrait for – mi – da – ble.
(Mère ferme les yeux)
Mais une condition essentielle: le règne de l’ego doit être fini. L’ego est l’obstacle maintenant. Il faut que l’ego soit remplacé par la conscience divine – ce que, moi, j’appelle la conscience divine; Sri Aurobindo, lui, disait «supramental»; nous pouvons dire supramental pour qu’il n’y ait pas de malentendu parce que dès que l’on parle du «Divin», les gens pensent à un «Dieu» et ça gâte tout. Ce n’est pas ça. Ce n’est pas ça (Mère fait descendre lentement ses poings fermés), c’est la descente du monde supramental, qui n’est pas une chose purement imaginative (geste là-haut): c’est une Puissance absolument matérielle. Mais (souriant) qui n’a pas besoin des moyens matériels.
Un monde qui veut s’incarner dans le monde.
(silence)
Plusieurs fois, il y a eu des moments où mon corps sentait une espèce de malaise nouveau et une inquiétude, et il y a eu comme quelque chose qui n’était pas une voix, mais qui se traduisait en mots dans ma conscience: «Pourquoi as-tu peur? C’est la conscience nouvelle.» Plusieurs fois, c’est venu. Et alors j’ai compris.
(silence)
Tu comprends, c’est ce qui, dans le bon sens humain, dit: «C’est impossible, ça n’a jamais été», c’est cela qui est fini. C’est fini, c’est idiot. C’est devenu une stupidité. On pourrait dire: c’est possible parce que ça n’a jamais été. C’est le monde nouveau et c’est la conscience nouvelle et c’est la Puissance nouvelle; c’est possible, et cela est et sera de plus en plus manifesté parce que c’est le monde nouveau, parce que ça n’a jamais été.
Cela sera parce que cela n’a jamais été.
(silence)
C’est joli: cela sera parce que cela n’a jamais été – parce que cela n’a jamais été.
(Mère regarde comme si elle allait dire quelque chose,
puis entre en méditation)
C’est à l’œuvre – c’est à l’œuvre en toi aussi.
Ce n’est pas matériel et c’est plus concret que la Matière!
Oui. C’est écrasant presque.
Écrasant, oui, c’est ça... Oh! c’est...
Ce qui n’est pas réceptif sent l’écrasement, mais tout ce qui est réceptif sent, au contraire, comme une... une dilatation puissante.
Oui. Mais c’est très curieux, c’est les deux!
Les deux en même temps.
Oui, on sent comme un gonflement, comme si tout allait éclater, et en même temps c’est quelque chose qui est écrasé.
Oui, mais ça, ce qui est écrasé, c’est ce qui résiste, c’est ce qui n’est pas réceptif. Il n’y a qu’à s’ouvrir. Et alors ça devient comme-comme une chose for-mi-da-ble. C’est extraordinaire! C’est notre habitude de siècles, n’est-ce pas, qui résiste et qui donne cette impression, mais tout ce qui s’ouvre... on sent comme si on devenait grand-grand-grand... C’est magnifique. Oh! c’est ça1...
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