27 février 1962

Nyomtatóbarát változat
l'Agenda de Mere. Volume 4. 28 aoűt 1963

Mčre

l'Agenda

 

72 – Le signe du commencement de la Connaissance est de sentir que l'on ne sait encore rien ou peu; et pourtant, si seulement je pouvais connaître ma connaissance, je possčde déjŕ tout.

Alors quelle question tu poserais?

Tu n'as rien de spécial ŕ dire?...

(Mčre hoche la tęte)

J'avais préparé une question comme cela: il arrive dans le sommeil qu'on ait une connaissance trčs exacte de ce qui va arriver, avec des détails matériels d'une précision surprenante, comme si tout était déjŕ lŕ, accompli dans les moindres détails sur un plan occulte. Est-ce exact? Quel est ce plan de connaissance? Y en a-t-il un ou plusieurs? Comment procéder pour y avoir accčs consciemment en état de veille? Et comment se fait-il que des gens sérieux qui ont une réalisation divine puissent se tromper parfois grossičrement dans leurs prédictions?

Ooh! mais c'est un monde! (Mčre rit) Ce n'est pas une question, c'est vingt questions!

S'il y a quelque chose qui t'intéresse lŕ-dedans...

C'est trčs intéressant, mais ça veut dire au moins huit pages!

Les ręves prémonitoires...

Il y a différentes sortes de ręves prémonitoires. Il y a des ręves prémonitoires ŕ réalisation immédiate, c'est-ŕ-dire ręver la nuit de ce qui arrivera le lendemain, mais il y a des ręves prémonitoires ŕ réalisation plus ou moins échelonnée dans le temps, et, suivant la place dans le temps, ces ręves ont été vus dans des domaines différents.

Plus on remonte vers une certitude absolue, plus la distance est grande parce que ce sont des visions que l'on a dans un domaine trčs proche de l'Origine et que le temps entre la révélation de ce qui va ętre et la réalisation peut ętre trčs long. Mais la révélation est trčs certaine, parce qu'elle est trčs proche de l'Origine.

Il y a un endroit, quand on est identifié avec le Supręme, oů on sait tout d'une façon absolue: dans le passé, dans le présent, dans l'avenir et partout. Mais généralement, les gens qui vont lŕ, quand ils reviennent, ils oublient ce qu'ils ont vu. Il faut une discipline particuličrement sévčre pour se souvenir. Ça, c'est le seul endroit oů l'on ne se trompe pas.

Mais les mailles, ou les chaînons de communication ne sont pas toujours au complet et il est rare qu'on se souvienne.

Enfin, pour en revenir ŕ ce que je disais, suivant le plan sur lequel on a vu, on peut plus ou moins juger du temps que la vision mettra ŕ se réaliser, et les choses immédiates sont déjŕ réalisées, existantes dans le physique subtil, et on peut les voir lŕ – simplement, elles sont, elles existent lŕ, et ce sera seulement la réflexion (męme pas une transcription), la réflexion ou la projection de l'image dans le monde matériel, qui se produira le lendemain ou quelques heures aprčs. Lŕ, on voit la chose exacte et dans tous les détails parce qu'elle est déjŕ. Tout dépend de l'exactitude de la vision et du pouvoir de vision: si vous avez un pouvoir de vision objectif et sincčre, vous voyez la chose exactement; si vous y ajoutez des sentiments ou des impressions, ça colore. L'exactitude dans le physique subtil dépend exclusivement de l'instrument, c'est-ŕ-dire de celui qui voit.

Mais dčs que vous allez dans un domaine plus subtil, comme le domaine vital (et le domaine mental encore bien plus, mais déjŕ dans le domaine vital), il y a une petite marge de possibilités. Alors, grosso modo, on peut voir ce qui va arriver, mais dans les détails, ce peut ętre comme ceci ou comme cela: il y a des volontés ou des influences qui ont la possibilité d'intervenir et de créer une différence.

Ceci, parce que la Volonté originelle est reflétée pour ainsi dire, dans des domaines différents, et chaque domaine change l'organisation et la relation des images. Le monde dans lequel nous vivons est un monde d'images – ce n'est pas la chose elle-męme dans son essence, c'est la réflexion de cette chose. On pourrait dire que nous sommes, dans notre existence matérielle, seulement une réflexion, une image de ce que nous sommes dans notre réalité essentielle. Et ce sont les modalités de ces réflexions qui introduisent toutes les erreurs et toutes les falsifications (ce que l'on voit dans l'essence est parfaitement vrai et pur, et existe de toute éternité; les images sont essentiellement variables). Et suivant le degré de mensonge introduit dans les vibrations, le degré de déformation et de transformation augmente. On pourrait dire que toute circonstance, tout événement et toute chose a une existence pure, qui est l'existence vraie, et un nombre considérable d'existences impures ou déformées qui sont l'existence de la męme chose dans les divers domaines de l'ętre. Par exemple, dans le domaine intellectuel, il y a tout un commencement de déformation (le domaine mental a une quantité considérable de déformations), et ŕ mesure que tous les domaines émotifs et sensoriels interviennent, les déformations augmentent. Et une fois qu'on arrive au matériel, le plus souvent c'est méconnaissable, unrecognizable. C'est complčtement déformé. Au point qu'il est parfois trčs difficile de savoir que ceci est l'expression matérielle de cela – ça ne se ressemble plus beaucoup!

C'est une façon un peu nouvelle d'aborder le problčme et qui peut donner la clef de beaucoup de choses.

Ainsi, quelqu'un que l'on connaît bien et qu'on a l'habitude de voir matériellement, si on le voit dans le physique subtil, il y a déjŕ des choses qui deviennent plus prononcées, plus visibles, plus importantes, et que l'on n'avait pas vues physiquement, parce que, dans la grisaille matérielle, elles avaient passé sur le męme plan que beaucoup d'autres choses. Il y a des caractčres, ou des expressions du caractčre, qui deviennent suffisamment importantes pour ętre trčs visibles, et qui physiquement n'avaient pas paru. Quand vous regardez quelqu'un physiquement, il y a la couleur du teint, la forme des traits, l'expression – ŕ la męme minute, si vous voyez cette figure dans le physique subtil, tout d'un coup vous vous apercevez qu'une partie de la figure a une certaine couleur et une autre partie, une autre couleur; que les yeux ont au-dedans d'eux une expression et une sorte de lumičre qui n'étaient pas du tout visibles; et que le tout a une apparence, et surtout donne une impression extręmement différente qui paraîtrait, pour nos yeux physiques, quelque peu extravagante, mais qui est trčs expressive pour la vision subtile et révélatrice du caractčre ou męme des influences auxquelles est soumise cette personne (ce que je dis lŕ est la notation d'une expérience que j'ai faite il y a quelques jours).

Donc, suivant le plan dans lequel on est conscient et oů on voit, on perçoit des images, on voit des événements plus ou moins proches, et on les voit d'une façon plus ou moins exacte. La seule vision qui soit vraie et sűre, c'est la vision de la Conscience divine. Le problčme est donc de devenir conscient de la Conscience divine et de garder cette Conscience dans tous les détails, tout le temps.

En attendant, il y a toutes sortes de maničres de recevoir des indications. Cette vision exacte et précise et... (comment dire?) familičre, qu'ont certaines personnes, peut avoir plusieurs sources. Ce peut ętre une vision par identité avec les circonstances et les choses quand on a pris l'habitude d'étendre sa conscience ŕ l'entour. Ce peut ętre une indication donnée par un bavard du monde invisible qui s'amuse ŕ vous prévenir de ce qui va arriver – ça arrive trčs souvent. Alors tout dépend de la qualité morale de votre «annonciateur»: s'il s'amuse ŕ vos dépens, il vous raconte des histoires – c'est ce qui arrive la plupart du temps aux gens qui sont renseignés par des entités. Elles peuvent, pour amorcer les gens, leur raconter trčs souvent les choses telles qu'elles seront (parce qu'elles ont une vision universelle dans un domaine quelconque du vital ou du mental), et puis, quand elles sont bien sűres que vous aurez confiance en elles, elles peuvent commencer ŕ vous raconter des blagues, et comme on dit en anglais, you make a fool of yourself [vous vous ridiculisez]. Ça arrive souvent! Il faudrait ętre, soi-męme, dans une conscience supérieure ŕ celle de ces individus ou de ces entités (ou de ces petites divinités comme certains les appellent) et pouvoir contrôler par en haut la valeur de leurs déclarations.

Si on a la vision mentale universelle, on peut voir toutes les formations mentales. Alors on peut voir (et c'est trčs intéressant) comment le monde mental s'organise pour se réaliser sur le plan physique. On voit les diverses formations, la façon dont elles s'approchent, se combattent, se combinent, s'organisent, et celles qui prennent le dessus et influencent plus et qui arrivent ŕ une réalisation plus totale. Maintenant, si l'on veut avoir vraiment une vision supérieure, il faut sortir du monde mental et voir les volontés originelles ŕ mesure qu'elles descendent pour s'exprimer. Dans ce cas, on peut ne pas avoir tous les détails, mais le fait central, le fait dans sa vérité centrale, est indiscutable, indéniable, absolument correct.

Il y a aussi les gens qui ont la faculté de prédire des choses qui sont déjŕ existantes sur terre, mais ŕ distance, une grande distance, trčs loin des yeux physiques – généralement, ce sont ceux qui ont la capacité d'élargir et d'étendre leur conscience. Ils ont une vision physique, mais un petit peu plus subtile, qui dépend d'un organe plus subtil que l'organe purement matériel (ce qu'on pourrait appeler la vie de cet organe), et alors, en projetant sa conscience avec la volonté de voir, on peut voir trčs bien – on voit les choses, elles sont déjŕ, seulement elles ne sont pas dans le champ de notre vision ordinaire. Ceux qui ont cette capacité et qui disent ce qu'ils voient – qui sont des gens sincčres, qui ne sont pas des bluffeurs –, voient d'une façon absolument précise et exacte.

Au fond, un grand facteur pour ceux qui prédisent ou qui prévoient, c'est leur absolue sincérité. Et malheureusement, ŕ cause de la curiosité des gens, de leur insistance, de la pression qu'ils font – et ŕ laquelle trčs peu savent résister –, quand il y a quelque chose que l'on ne voit pas d'une façon exacte ou précise, il y a une faculté d'imagination intérieure, presque involontaire, qui ajoute le petit élément qui manque. C'est cela qui fait les failles dans les prédictions. Il y a trčs peu de gens qui aient le courage de dire: «Ah! non, ça, je ne sais pas; ça, je ne vois pas; ça, ça m'échappe.» Ils n'ont męme pas le courage de se le dire ŕ eux-męmes! Et alors un tout petit peu d'imagination, qui agit d'une façon presque subconsciente, et on complčte la vision ou l'information – n'importe quoi peut arriver. Il y a trčs peu de gens qui savent résister ŕ ça. J'ai connu beaucoup-beaucoup de voyants, j'ai connu beaucoup d'ętres qui avaient un don merveilleux – il y en avait trčs peu qui savaient s'arręter juste lŕ oů ils ne savaient plus. Ou bien, pour un détail, on rajoute. C'est ça qui donne toujours ŕ ces facultés une qualité un peu douteuse. Il faut ętre vraiment un saint – un grand saint, un grand sage – et tout ŕ fait libre, pas du tout sous l'influence des gens (je ne parle pas de ceux qui veulent avoir une renommée, parce que alors lŕ ils tombent dans des pičges grossiers), mais męme une bonne volonté – vouloir contenter les gens, leur faire plaisir, les aider –, il suffit de cela pour que ça déforme.

(Souriant) Tu veux autre chose? Je t'ai répondu – ŕ tout?

Je serais tenter de te demander une chose. Quand les événements sont pręts déjŕ, dans le physique subtil, et qu'on en a la vision, est-ce qu'il n'est pas trop tard pour changer les choses? Est-ce qu'on peut encore agir?

Il y a un exemple que je donne toujours, qui est trčs intéressant. C'est l'homme qui m'a raconté la chose lui-męme. Il y avait un temps oů, dans le journal Le Matin (il y a longtemps, tu devais ętre bien petit), il y avait tous les jours un petit dessin représentant un garçon, comme les garçons de lift (il m'a raconté ça en anglais), qui montrait du doigt quelque chose (une sorte de groom ou de garçon d'hôtel, habillé comme ça), et qui montrait toujours la date ou je ne sais quoi – un petit dessin. Et cet homme m'a dit (il était en voyage et il habitait un grand hôtel, je ne sais plus dans quelle ville, une grande ville) que la nuit, ou de bonne heure le matin, de trčs bonne heure le matin, il avait eu un ręve: il avait vu ce garçon d'hôtel, ce groom, qui lui montrait un char funčbre (tu sais comment c'est quand on emmčne les gens au cimetičre lŕ-bas, en Europe), qui l'invitait ŕ monter dedans! Il a vu ça, puis le matin, quand il a été pręt, il est sorti de son appartement qui était tout en haut, et lŕ, sur le palier... le męme garçon, habillé de la męme maničre, lui a montré l'ascenseur pour qu'il descende. Ça lui a donné un choc. Il a refusé, il a dit: «Non, merci!» L'ascenseur est tombé. Il s'est écrasé, les gens dedans ont été tués.

Il m'a dit qu'aprčs cela, il croyait aux ręves!

C'était une vision. Il avait vu ce garçon, mais au lieu de l'ascenseur, il lui montrait son corbillard. Alors quand il a vu le męme geste, le męme garçon (comme le dessin, n'est-ce pas), il a dit: «Non, merci! je descends ŕ pied.» El la machine (c'était un ascenseur hydraulique), la machine s'est cassée. Elle s'est effondrée. C'était tout en haut, ça a été une bouillie.

Mon explication (justement il m'avait demandé): c'était une entité qui l'avait prévenu. L'image du groom laisse penser qu'il y avait l'intermédiaire d'une intelligence, d'une conscience – ça ne semble pas ętre son propre subconscient.1 Ou bien, c'est son subconscient qui était au courant parce qu'il avait vu dans le physique subtil que ça allait arriver – mais pourquoi son subconscient lui a-t-il fait une image comme cela? Je ne sais pas. Peut-ętre est-ce quelque chose dans le subconscient qui savait – parce que c'était déjŕ lŕ, c'était déjŕ dans le physique subtil, ça existait. L'accident existait déjŕ avant d'arriver – la loi de l'accident.

Il y a évidemment toujours, pour tout, une différence, quelquefois de quelques heures (mais ça, c'est le maximum), quelquefois de quelques secondes. Et trčs souvent, les choses vous disent qu'elles sont lŕ – pour qu'elles entrent en contact avec votre conscience, ça prend parfois quelques minutes, parfois quelques secondes. Constamment, constamment je sais ce qui va arriver (des choses absolument sans intéręt; il n'y a aucun intéręt ŕ le savoir d'avance, on n'y change rien), mais ça existe et c'est autour de vous. Si votre conscience est assez large, vous savez tout ça, par exemple que telle personne va m'apporter un paquet (des choses comme cela). Et tous les jours c'est comme cela. Ou que telle personne est en train d'arriver. C'est parce que la conscience est répandue, alors elle contacte des choses.

Mais alors, on ne peut pas dire que c'est prémonitoire parce que ça existe déjŕ; c'est seulement le contact avec nos sens qui prend quelques secondes ŕ se réaliser, parce qu'il y a une porte ou un mur, ou quelque chose qui empęche de voir.

Mais j'ai eu plusieurs fois des expériences comme cela. Par exemple, un fois, je me promenais dans la montagne; j'étais sur un sentier oů il n'y avait de place que pour un: d'un côté, le précipice, et de l'autre, le rocher ŕ pic. J'étais avec trois enfants derričre moi, et une quatričme personne qui fermait la marche. J'étais en tęte. Et le sentier suivait le rocher, c'est-ŕ-dire qu'on ne voyait pas oů on allait (c'était d'ailleurs trčs dangereux: si on glissait, on était dans le trou). Je marchais en tęte, et tout ŕ coup, j'ai vu, avec d'autres yeux que ceux-ci (pourtant je regardais attentivement mes pas), j'ai vu un serpent, comme ça, sur le rocher, qui attendait de l'autre côté. Alors j'ai fait un pas doucement, et en effet de l'autre côté, il y avait un serpent. Ça m'a évité le choc de la surprise (parce que j'avais vu et que j'avançais avec précaution), et comme il n'y avait pas le choc de la surprise, j'ai pu dire aux enfants, sans leur donner de choc: «Arrętez, restez tranquilles, bougez pas.» Avec le choc, il aurait pu arriver quelque chose: le serpent avait entendu du bruit, il était déjŕ lové et sur la défensive devant son trou, avec sa tęte qui bougeait – c'était une vipčre. C'était en France. Rien n'est arrivé. Tandis que s'il y avait eu de la confusion, un brouhaha, on ne sait pas ce qui aurait pu se produire.

Trčs-trčs souvent ce genre de choses m'est arrivé (pour les serpents, ça m'est arrivé quatre fois). Une fois, il faisait tout ŕ fait nuit, c'était ici, prčs du village de pęcheurs d'Ariancoupom. Il y avait une rivičre et c'était juste ŕ l'endroit oů elle se jette dans la mer, et il faisait nuit – la nuit était tombée trčs vite et on marchait sur une route et, au moment précis oů j'allais baisser mon pied (j'avais déjŕ levé mon pied, j'allais le baisser), j'ai entendu distinctement une voix ŕ mon oreille: «Attention!» Personne n'avait parlé pourtant. Alors j'ai regardé et j'ai vu, juste au moment oů mon pied allait toucher terre, un énorme cobra noir, sur lequel j'aurais confortablement mis mon pied. Ce sont des gens qui n'aiment pas ça. Il a filé, et puis il a traversé l'eau – mon petit, c'était une beauté! Le capuchon ouvert, la tęte droite, il a traversé comme un roi, tout ça dehors. Évidemment, j'aurais été punie de mon impertinence.

Des choses comme cela, j'en ai eues des centaines et des centaines: juste ŕ la seconde (pas une seconde trop tôt) informée. Et dans des circonstances trčs différentes. Une fois, ŕ Paris, j'étais en train de traverser le Boulevard Saint Michel (c'étaient les derničres semaines: j'avais décidé que dans un certain nombre de mois, j'aurais la jonction avec la Présence psychique, le Divin intérieur, et je ne pensais plus qu'ŕ ça, je n'étais plus occupée que de ça). J'habitais lŕ-bas, prčs du Luxembourg et j'allais me promener, m'asseoir au Luxembourg le soir – mais toujours intériorisée. Il y a une espčce de carrefour lŕ, ce n'est pas un endroit pour traverser intériorisée, ce n'était pas trčs raisonnable! Et alors j'étais comme ça, j'avançais, lorsque, tout d'un coup, j'ai reçu un choc – comme si j'avais reçu un coup, comme si quelque chose me donnait un coup – et j'ai sauté en arričre instinctivement. Quand j'ai sauté en arričre, un tramway a passé – c'était le tramway que j'avais senti ŕ une distance, peut-ętre d'un peu plus d'un bras étendu. Ça avait touché l'aura, l'aura de protection (ŕ ce moment-lŕ, elle était trčs forte – c'était en plein occultisme et je savais comment la garder), l'aura de protection avait été touchée et ça m'a littéralement jetée en arričre, comme si j'avais reçu le choc physique. Et avec les insultes du conducteur!

J'ai sauté et le tram a passé comme ça, juste ŕ temps.

Je ne me souviens plus, mais enfin c'est ŕ la pelle que je pourrais en raconter.

Les raisons peuvent ętre différentes. Trčs souvent, c'est quelqu'un qui m'informait: une petite entité, ou un ętre quelconque. Quelquefois, c'était l'aura qui protégeait. Pour toutes sortes de choses. C'est-ŕ-dire que la vie était rarement limitée au corps physique. C'est commode, c'est bon. C'est nécessaire, ça augmente vos capacités. C'était ce que Théon m'avait dit tout de suite: «Vous vous privez de sens qui sont tout ce qu'il y a de plus utiles, męme pour la vie la plus ordinaire.» Si vous développez vos sens intérieurs (il leur donnait des noms mirobolants), vous pouvez... (et c'est vrai, c'est tout ŕ fait vrai), nous pouvons savoir infiniment plus de choses que nous n'en savons d'ordinaire, simplement en utilisant nos propres sens. Et pas seulement au point de vue mental, mais au point de vue vital et męme au point de vue physique.

Mais quelle est la méthode?

Oh! la méthode est trčs facile. Ce sont des disciplines. Ça dépend de ce que l'on veut faire.

Ça dépend. Pour chaque chose il y a une méthode. Mais la premičre méthode, c'est d'abord de le vouloir, c'est-ŕ-dire prendre une décision. Et alors on vous donne la description de tous ces sens et comment ils fonctionnent – ça, c'est une longue affaire. Vous prenez un sens (ou plusieurs) ou celui pour lequel vous avez le plus de facilités pour commencer, et vous décidez. Puis vous suivez la discipline. C'est l'équivalent des exercices pour se développer les muscles. On peut męme arriver ŕ se créer une volonté.

La méthode, quand c'est pour les choses plus subtiles, c'est de se faire une image exacte de ce que l'on veut, de se mettre en rapport avec la vibration correspondante, et puis de se concentrer et de faire des exercices. Comme s'exercer ŕ voir ŕ travers un objet, ou bien ŕ entendre ŕ travers un son,2 ou bien ŕ voir ŕ distance. Par exemple, j'ai été longtemps (plusieurs mois) immobilisée dans un lit, et je trouvais ça assez ennuyeux – je voulais voir. J'habitais dans une chambre, et au bout de la chambre, il y avait une autre petite chambre, et au bout de la petite chambre, il y avait une sorte de pont, et au milieu du jardin, ce pont se changeait en escalier et descendait dans un trčs grand et bel atelier construit au milieu du jardin3 – je voulais aller voir ce qui se passait dans l'atelier, parce que je m'ennuyais dans ma chambre! Alors je restais bien tranquille, je fermais mes yeux et j'envoyais ma conscience petit ŕ petit, petit ŕ petit, petit ŕ petit. Et jour aprčs jour: je prenais une heure fixe et je faisais l'exercice, réguličrement. D'abord, on se sert de son imagination, et puis ça devient un fait. Et au bout d'un certain temps, j'avais tout ŕ fait la sensation physique que ma vision se déplaçait: je la suivais, et puis je voyais des choses en bas que je ne savais pas du tout. Je vérifiais aprčs; le soir, je demandais: «Est-ce que ça, c'était comme cela? Et ça, c'était comme cela?»

Mais pour chacune de ces choses, il faut le faire pendant des mois, avec patience, une sorte d'obstination. On prend les sens l'un aprčs l'autre: l'ouďe, la vue, et męme on arrive ŕ des choses subtiles du goűt, de l'odorat, du toucher.

Au point de vue mental, c'est plus facile parce que lŕ, on est plus habitué ŕ la concentration. Quand on veut réfléchir et trouver une solution, au lieu de suivre des déductions de pensée, on arręte tout et on fait une concentration sur l'idée, sur le problčme, et puis on arrive ŕ concentrer-concentrer, intensifier le point du problčme. On arręte tout et on attend, jusqu'ŕ ce que, par l'intensité de la concentration, on obtienne une réponse. Ça aussi, ça demande un peu de temps. Mais quand on a été un bon élčve, on a un peu l'habitude de faire cela, ce n'est pas trčs-trčs difficile.

Il y a une sorte de prolongement des sens physiques. Par exemple, les Indiens Peaux-Rouges ont une ouďe et un odorat beaucoup plus étendus que les nôtres (et les chiens!). Je connaissais un Indien (c'était mon ami quand j'avais huit ou dix ans, il était venu avec Buffalo Bill du temps de l'Hippodrome, il y a longtemps, j'avais huit ans), et il mettait son oreille par terre, et alors il était tellement calé qu'il savait la distance: suivant l'intensité de la vibration, il savait ŕ quelle distance se trouvait le bruit de quelqu'un qui marchait. Aprčs ça, immédiatement les enfants disaient: «Je voudrais bien savoir ça!» Et puis on essaie.

C'est comme ça qu'on se prépare. On croit qu'on s'amuse et puis on se prépare pour plus tard.

Voilŕ.

 

1 Mčre a précisé: «Ce qui me fait penser qu'il y avail une entité, c'est l'image; tandis que le subconscient, normalement, l'aurait prévenu du fait tout simplement.»

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2 «Entendre derričre un son, a précisé Mčre, c'est se mettre en rapport avec la réalité subtile qui est derričre le fait matériel: derričre la parole ou derričre le son physique, ou derričre la musique, par exemple. On se concentre et puis on entend ce qui est derričre. C'est se mettre en contact avec la réalité vitale qui est derričre les apparences (il peut y avoir aussi une réalité mentale, mais généralement ce qui est immédiatement derričre le bruit physique, c'est une réalité vitale).»

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3 L'atelier de la rue Lemercier ŕ Paris, en 1897.

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