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69 (Le péché et la vertu sont un jeu de résistance que nous jouons avec Dieu...)

Nyomtatóbarát változat

69 — Le péché et la vertu sont un jeu de résistance que nous jouons avec Dieu tandis qu'il fait effort pour nous tirer vers la perfection. Le sens de la vertu nous aide à chérir en secret nos péchés.

Ces aphorismes 1 disent bien la futilité de nos idées de péché et de vertu. Tu avais dit aussi, à la suite de ton expérience du 3 février 1958 2: "J'ai vu que ce qui aide les gens à devenir supramentaux, ou les en empêche, est très différent de ce qu'imaginent nos notions morales habituelles." Et tu disais encore : "Ce qui est très évident, c'est que notre appréciation de ce qui est divin ou non divin n'est pas correcte... J'avais alors l'impression... que la relation entre ce monde-ci et l'autre changeait complètement le point de vue d'après lequel les choses doivent être évaluées ou appréciées. Ce point de vue n'avait rien de mental et il donnait un sentiment intérieur étrange que quantités de choses que nous considérons comme bonnes ou mauvaises ne le sont pas réellement. Il était très clair que tout dépendait de la capacité des choses, de leur aptitude à traduire le monde supramental ou à être en relation avec lui."

À quoi ressemble ce "point de vue" supramental? En quoi consiste cette "capacité'' ou cette "aptitude" à traduire le monde supramental ou à être en relation avec lui?

J'ai déjà parlé de cela, un peu, à propos de cette histoire du cerf qui passe dans la forêt. 3

Là, il y avait une indication. Puis je me suis remise en contact avec cette expérience du bateau supramental. Ma vision des choses n'a pas changé depuis ce moment-là. Et je me suis aperçue que cette expérience avait eu une action décisive dans la position; elle a établi d'une façon absolument claire, précise, définitive, les conditions requises.

Une fois pour toutes, cela a balayé non seulement toutes les notions de moralité ordinaire, mais tout ce que l'on considère, ici dans l'Inde, comme nécessaire à la vie spirituelle. À ce point de vue, c'était très instructif. Et d'abord, cette espèce de soi-disant-pureté ascétique. La pureté ascétique, c'est tout simplement le rejet de tous les mouvements du vital — au lieu de prendre ces mouvements et de les tourner vers le Divin, c'est-à-dire de voir en eux la Présence suprême et, justement, de laisser le Suprême y agir librement, on Lui dit : "Non, cela ne Te regarde pas." Il n'a pas le droit d'entrer là-dedans.

Le physique, c'est une vieille affaire, on le sait, depuis toujours les ascètes l'ont rejeté, mais on y ajoutait le vital. Il n'y avait que les choses classiquement reconnues comme sacrées ou admises par la tradition religieuse, comme, par exemple, la sainteté du mariage et les choses de ce genre, que l'on acceptait, mais la vie libre, oh-là ! c'était incompatible avec toute vie religieuse.

Alors, tout cela a été complètement balayé, une fois pour toutes.

Ce n'est pas pour dire que ce qui est demandé est plus facile. C'est probablement beaucoup plus difficile.

D'abord, au point de vue psychologique, il faut la condition dont j'ai parlé dans cette histoire du cerf : c'est l'égalité parfaite. C'est une condition absolue. Et j'ai observé depuis 56, pendant des années, qu'aucune vibration supramentale ne se transmet, excepté dans cette égalité parfaite. S'il y a la moindre contradiction de cette égalité — en fait, le moindre mouvement d'ego, de la préférence de l'ego —, ça ne passe pas, ça ne se transmet pas. Ce qui fait déjà une assez grosse difficulté.

En plus de cela, il y a deux conditions pour que la réalisation puisse être totale, et elles ne sont pas faciles. Ce n'est pas très difficile sur le plan intellectuel (je ne parle pas ici de n'importe qui, je parle de ceux qui ont fait un yoga et qui ont suivi une discipline), c'est relativement facile; sur le plan psychologique aussi, si l'on y associe cette égalité, ce n'est pas très difficile. Mais dès que l'on arrive au plan matériel, c'est-à-dire physique, puis corporel, ce n'est pas facile. Les deux conditions sont celles-ci : d'abord un pouvoir d'expansion, d'élargissement pour ainsi dire indéfini, de sorte qu'on puisse s'élargir à la dimension de la conscience supramentale, qui est totale. La conscience supramentale, c'est celle du Suprême dans Sa totalité —quand je dis "Sa totalité", je veux dire le Suprême sous Son aspect de Manifestation. Naturellement, au point de vue supérieur, de l'essence (l'essence de ce qui devient le Supramental dans la Manifestation), il faut une capacité d'identification totale avec le Suprême, non seulement sous Son aspect de Manifestation mais sous Son aspect statique ou nirvânique, en dehors de la Manifestation — le Non-Être. Mais en plus de cela, il faut être capable de s'identifier au Suprême dans le Devenir. Et ceci implique deux choses : d'abord un élargissement, au moins indéfini, comme je l'ai dit, et, en même temps, une plasticité totale afin de pouvoir suivre le Suprême dans Son Devenir — ce n'est pas à un moment donné qu'il faut être aussi vaste que l'univers, c'est indéfiniment dans le Devenir. Ce sont les deux conditions. Il faut qu'elles soient là, potentielles.

Tant qu'il n'est pas question de transformation physique, le point de vue psychologique et, en grande partie, subjectif, est suffisant. Et c'est relativement facile. Mais quand il s'agit d'incorporer dans le travail la Matière telle qu'elle est dans ce monde, où le point de départ lui-même est faux—nous partons de l'Inconscience et de l'Ignorance —, alors c'est très difficile. Parce que, justement, cette Matière, afin d'arriver à l'individualisation nécessaire pour retrouver la Conscience perdue, elle a été faite avec une certaine fixité, indispensable pour faire durer la forme et pour garder, précisément, cette possibilité d'individualité. Et c'est cela le principal obstacle à cet élargissement et à cette plasticité, à cette souplesse nécessaires pour être capable de recevoir le Supramental. Je me trouve constamment devant ce problème, qui est un problème tout à fait concret, absolument matériel, quand on a affaire à ces cellules et qu'il faut qu'elles restent des cellules, qu'elles ne se vaporisent pas dans une réalité qui n'est plus physique. Et en même temps, qu'elles aient cette souplesse, ce manque de fixité, qui fait qu'elles peuvent s'élargir indéfiniment.

(silence)

L'expérience du bateau se passait dans le physique subtil. Et les gens qui avaient des taches et qu'on était obligé de reprendre, étaient toujours ceux qui manquaient de la souplesse nécessaire pour les deux mouvements. Mais il s'agissait surtout du mouvement d'élargissement, plus que du mouvement de progression pour suivre le Devenir — ça, ça paraissait être une préoccupation ultérieure, pour ceux qui étaient débarqués, après le débarquement. Mais la préparation sur le bateau, c'était cette capacité d'élargissement.

Il y avait une chose aussi, dont je n'ai pas parlé quand j'ai raconté l'expérience : le bateau n'avait pas de machines. Tout, tout était mis en mouvement par la volonté — les individus et les choses (le costume même des gens était un effet de leur volonté). Et cela donnait à toutes ces choses et aux formes des individus une grande souplesse; parce qu'on était conscient de cette volonté — qui n'est pas une volonté mentale, qui est une volonté du Soi, ou une volonté spirituelle pourrait-on dire, une volonté de l'âme si l'on donne au mot âme ce sens-là. Mais c'est une chose dont on peut faire l'expérience ici quand on agit avec une spontanéité absolue, c'est-à-dire quand l'action — comme la parole et le mouvement — n'est pas déterminée par le mental, même pas (je ne parle pas de la pensée et de l'intellect), mais même pas par le mental qui nous fait mouvoir généralement. Généralement, au moment où nous faisons une chose, nous percevons en nous la volonté de faire cette chose (quand on est conscient et que l'on se regarde faire, on voit cela; il y à toujours — ce peut être très prompt — la volonté de faire), c'est l'intervention du mental, l'intervention habituelle, l'ordre dans lequel les choses se passent. Tandis que l'action supramentale est décidée en sautant par-dessus le mental; passer par lui n'est pas nécessaire, c'est direct. Quelque chose entre en contact direct avec les centres vitaux et les fait agir, sans passer par la pensée — mais en toute conscience. La conscience ne fonctionne pas dans l'ordre habituel, elle fonctionne directement du centre de volonté spirituelle à la Matière.

Et tant que l'on peut garder cette immobilité absolue du mental, l'inspiration est absolument pure — elle vient pure. Quand on peut attraper cela et le garder en parlant, ce qui vient aussi n'est pas mélangé, ça reste pur.

C'est un fonctionnement extrêmement délicat, probablement parce qu'il n'est pas accoutumé — un tout petit mouvement, une toute petite vibration mentale dérange tout. Mais tant que cela dure, c'est parfaitement pur. Et c'est cela qui doit être l'état constant d'une vie supramentalisée. La volonté spirituelle mentalisée ne doit plus intervenir — parce qu'on peut très bien avoir une volonté spirituelle, on peut vivre constamment en exprimant la volonté spirituelle (c'est ce qui arrive à tous ceux qui sentent qu'ils sont dirigés par le Divin en eux), mais ça passe par une transcription mentale. Eh bien, tant que c'est cela, ce n'est pas la vie supramentale. La vie supramentale ne passe plus par le mental. Le mental est une zone immobile de transmission. Un tout petit déclic suffit à déranger.

(silence)

On peut dire que l'état constant, nécessaire, pour que le Supramental puisse s'exprimer à travers une conscience terrestre, c'est l'égalité parfaite, qui provient de l'identification spirituelle avec le Suprême : tout devient le Suprême dans une égalité parfaite. Et automatique —pas une égalité qu'on obtient par la volonté consciente, par l'effort intellectuel, par une compréhension qui précède l'état; ce n'est pas cela. Il faut que ce soit spontané et automatique, que la façon de répondre à tout ce qui vient du dehors ne soit plus comme si l'on répondait à quelque chose qui vient du dehors. Il faut que cette espèce de réflexion et de réponse soient remplacées par un état de perception constant et, je ne peux pas dire identique, parce que chaque chose appelle nécessairement sa réponse spéciale, mais libre de tout rebondissement, si l'on peut dire. C'est la différence qu'il y a entre quelque chose qui vient du dehors et qui vous frappe, et à quoi vous répondez, et quelque chose qui circule et qui, tout naturellement, entraîne les vibrations nécessaires à l'action générale. Je ne sais pas si je me fais bien comprendre... C'est la différence entre un mouvement vibratoire qui circule dans un champ d'action identique, et un mouvement qui vient de quelque chose en dehors et qui touche du dehors, et qui obtient une réponse (ça, c'est l'état habituel de la conscience humaine). Tandis que, quand la conscience est identifiée au Suprême, les mouvements sont pour ainsi dire intérieurs, en ce sens qu'il n'y a rien qui vienne du dehors : ce sont seulement des choses qui circulent et qui, naturellement, dans leur circulation, entraînent certaines vibrations par similitude et par nécessité, ou changent les vibrations dans le milieu circulatoire.

C'est une chose qui m'est très familière, parce que c'est mon état actuel constant — je n'ai jamais l'impression de choses qui viennent du dehors et qui cognent, mais j'ai l'impression de mouvements intérieurs, multiples, quelquefois contradictoires, et d'une circulation constante entraînant les changements intérieurs nécessaires au mouvement.

Ça, c'est la base indispensable.

L'élargissement suit presque automatiquement, avec des nécessités d'ajustement dans le corps lui-même, qui sont difficiles à résoudre. C'est un problème dans lequel je suis encore complètement plongée.

Puis cette souplesse pour suivre le mouvement du Devenir. La souplesse, c'est-à-dire une capacité de se décristalliser — toute, toute la période de la vie qui consiste à s'individualiser est une période de cristallisation consciente et volontaire qui, après, doit être défaite. Pour être un être conscient et individuel, c'est une cristallisation constante — constante — et volontaire, de toutes choses ; et après, il faut faire le mouvement contraire, constamment, et aussi, encore plus, volontairement. Et en même temps, il ne faut pas perdre le bénéfice, dans la conscience, de ce que l'on a acquis par l'individualisation.

Il faut dire que c'est difficile.

Au point de vue de la pensée, c'est élémentaire, très facile. Et même au point de vue des sentiments, ce n'est pas difficile : que le cœur, c'est-à-dire l'être affectif, s'élargisse à la dimension du Suprême, c'est relativement facile. Mais ce corps ! c'est très difficile — très difficile sans qu'il perde... comment dire... son centre de coagulation, qu'il ne se dissolve pas dans la masse environnante. Et encore, si l'on était dans un lieu de la nature, avec des montagnes, des forêts, des rivières, et puis beaucoup de beauté naturelle, beaucoup d'espace, ce serait plutôt agréable! Mais on ne peut pas faire un pas, matériellement, hors de son corps, sans rencontrer des choses pénibles — il arrive quelquefois que l'on entre en contact avec une substance qui est plaisante, qui est harmonieuse, chaleureuse, qui vibre d'une lumière supérieure. Mais c'est rare. Oui, les fleurs, quelquefois les fleurs — quelquefois, pas toujours. Mais ce monde matériel, oh !... on est cogné partout — griffé, griffé, écorché, cogné par toutes sortes de choses qui ne s'épanouissent pas — oh, comme c'est difficile! Comme la vie humaine n'est pas épanouie! recroquevillée, durcie, sans lumière, sans chaleur — et je ne parle pas de joie.

Tandis que, parfois, quand on voit de l'eau qui coule, ou un rayon de soleil dans les arbres, oh ! ça chante — des cellules qui chantent, qui sont contentes.

Mais si la difficulté de la transformation physique est si grande, est-ce qu'il n'y aurait pas avantage à agir occultement et à matérialiser quelque chose, à créer un corps nouveau par des procédés occultes?

L'idée, c'est qu'il faudrait d'abord que des êtres soient arrivés jusqu'à une certaine réalisation ici, dans le monde physique, qui leur donnerait le pouvoir de matérialiser un être supramental.

Je t'ai raconté que j'avais revêtu d'un corps un être du vital, mais je n'aurais jamais pu — il aurait été impossible de rendre ce corps matériel : il manque quelque chose, il manque quelque chose. Même si on le rendait visible, probablement on ne pourrait pas le garder permanent — à la moindre occasion il se dématérialiserait. C'est cette permanence que l'on ne peut pas obtenir.

Nous avions discuté de cela avec Sri Aurobindo (discuter, c'est une façon de parler), nous en avions parlé, et il voyait la chose comme moi, c'est-à-dire qu'il y a un pouvoir qu'on n'a pas, un pouvoir de fixer la forme ici, sur la Terre. Même ceux qui ont des capacités de matérialisation, ça ne reste pas — ça ne peut pas, ça ne peut pas rester, ça n'a pas la vertu des choses physiques.

Et alors, on ne pourrait pas assurer la continuité de la création sans quelque chose qui possède cela.

Tout le processus occulte, je le connaissais en détail, mais je n'aurais jamais pu le rendre plus matériel, même si j'avais essayé — visible oui, mais impermanent, pas capable de progression.

12 janvier 1962

 


1 Aphorismes 67, 68, 69. (En arrière)

2 Entretiens 1958, l'expérience du "bateau supramental" et de la sélection pour le débarquement dans le monde supramental. (En arrière)

3 Un cerf passe dans la foret pour aller boire, mais qu'est-ce qui prouve qu'il est passé? La plupart des gens n'y verront aucun signe; peut-être même ne savent-ils pas ce qu'est un cerf, et même ceux qui savent ne pourront pas dire qu'il est passé par là. Mais celui qui a fait des études spéciales de vénerie, un truqueur, trouvera des signes évidents et il saura non seulement dire quel genre de cerf est passé, mais sa taille, son âge, son sexe, etc. De même, il doit y avoir des gens qui ont une connaissance spirituelle analogue à celle des veneurs et qui peuvent déceler qu'une personne est en rapport avec le supramental, alors que les gens ordinaires, qui n'ont pas entraîné leur mental, ne s'en apercevront pas. Le supramental est descendu sur terre, dit-on, il s'est manifesté. J'ai lu tout ce que l'on a écrit à ce propos mais je suis parmi les ignorants qui ne voient rien et ne sentent rien. Celui qui a une perception plus entraînée pourrait-il donc me dire à quels signes je pourrais reconnaître qu'une personne est en relation avec le supramental?

Deux signes irréfutables prouvent que l'on est en relation avec le supramental :

1. une égalité parfaite et constante.

2. une certitude absolue dans la connaissance.

Pour être parfaite, l'égalité doit être invariable et spontanée, sans effort, à l'égard de toutes les circonstances, tous les événements, tous les contacts, matériels ou psychologiques, quels que soient leur caractère et le choc qu'ils donnent.

La certitude absolue et indiscutable d'une connaissance infaillible par identité. (Bulletin d'avril 1961, p. 22.) (En arrière)

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