122-124 (Si tu ne veux pas être le jouet des opinions, vois d'abord en quoi ...)

Nyomtatóbarát változat

122 — Si tu ne veux pas être le jouet des opinions, vois d'abord en quoi ta pensée est vraie, puis étudie en quoi son contraire est vrai; enfin découvre la cause de ces différences et la clef de l'harmonie de Dieu.

122 — Si tu ne veux pas être le jouet des opinions, vois d'abord en quoi ta pensée est vraie, puis étudie en quoi son contraire est vrai; enfin découvre la cause de ces différences et la clef de l'harmonie de Dieu.

124 — Sers-toi des opinions dans la vie, mais ne les laisse pas enchaîner ton âme dans leurs fers.

(après un silence)

J'étais en train d'essayer de trouver en quoi les opinions étaient utiles... Sri Aurobindo dit qu'elles sont "utiles ou inutiles" — en quoi une opinion peut-elle être utile?

Elles aident momentanément dans l'action.

Non, c'est justement cela que je déplore; les gens agissent d'après leur opinion, et ça n'a aucune valeur. Tout le temps, je reçois des lettres de gens qui veulent ou ne veulent pas faire quelque chose et qui me disent : "C'est mon opinion, ceci est vrai, cela ne l'est pas", et toujours, plus de quatre-vingt-dix-neuf fois sur cent, c'est faux, c'est une sottise.

On a l'impression très claire — enfin, c'est visible — que l'opinion opposée a autant de valeur, que c'est simplement une question d'attitude, c'est tout. Et naturellement, il s'y mêle toujours les préférences de l'ego : on aime mieux que ce soit comme cela, alors on a l'opinion que c'est comme cela.

Mais tant que l'on n'a pas la lumière supérieure pour agir, on a besoin de se servir des opinions.

Il vaudrait mieux avoir une sagesse qu'une opinion, c'est-à-dire, justement, considérer toutes les possibilités, tous les aspects de la question, et alors essayer d'être aussi peu égoïste que possible et voir, par exemple, pour une action, celle qui peut être utile au plus grand nombre de gens ou qui démolit le moins de choses, qui est la plus constructrice. Enfin, même en se plaçant à un point de vue qui n'est pas spirituel, qui est seulement utilitaire et non égoïste, il vaut mieux agir selon la sagesse que selon son opinion.

Oui, mais quelle serait la bonne façon de procéder quand on n'a pas la lumière, sans y mêler son opinion ou son ego ?

Je crois que c'est de considérer tous les aspects du problème, de les mettre d'une façon aussi désintéressée que possible devant sa conscience et de voir ce qui est le meilleur (si c'est possible) ou ce qui est le moins mauvais si cela a des conséquences fâcheuses.

Je voulais demander quelle est la meilleure attitude? Est-ce une attitude d'intervention ou une attitude de laisser-faire ? Quel est le meilleur?

Ah! justement, pour intervenir il faut être sûr que l'on a raison; il faut être sûr que votre vision des choses est supérieure, préférable ou plus vraie que celle des autres ou de l'autre. Ça, il est toujours plus sage de ne pas intervenir — les gens interviennent sans rime ni raison, simplement parce qu'ils ont l'habitude de donner leur opinion aux autres.

Même lorsqu'on a la vision de la vraie chose, il est rarement sage d'intervenir. Cela ne devient indispensable que si quelqu'un veut faire quelque chose qui, nécessairement, se terminera par une catastrophe. Et même là, l'intervention (souriant) n'est pas toujours très efficace.

Au fond, il n'est légitime d'intervenir que lorsqu'on est absolument sûr d'avoir la vision de vérité. Non seulement cela, mais aussi la vision claire des conséquences. Pour intervenir dans les actions d'un autre, il faut être un prophète — un prophète. Et un prophète avec une bienveillance et une compassion totales. Il faut même avoir la vision de la conséquence qu'aura l'intervention dans la destinée de l'autre. Les gens sont tout le temps à se donner des conseils : "Fais ceci, ne fais pas cela"; je vois, ils n'imaginent pas à quel point ils créent une confusion, ils augmentent la confusion, le désordre. Et quelquefois ils nuisent au développement normal de l'individu.

Je considère que les opinions sont des choses toujours dangereuses et, la plupart du temps, absolument sans valeur.

On ne devrait se mêler des affaires d'autrui que, d'abord, si l'on est infiniment plus sage que l'autre —naturellement, on se croit toujours plus sage !... mais je veux dire d'une façon objective et non selon sa propre opinion—, si l'on voit plus, mieux, et si l'on est soi-même en dehors des passions, des désirs, des réactions aveugles. Il faut être soi-même au-dessus de toutes ces choses pour avoir le droit d'intervenir dans la vie d'un autre — même quand il vous le demande. Et quand il ne vous le demande pas, c'est simplement se mêler de ce qui ne vous regarde pas.

(Mère entre dans une longue contemplation, puis reprend)

Je viens de voir une drôle d'image! C'était comme le versant d'une montagne, très abrupte, et quelqu'un (comme le symbole de l'homme) qui grimpait. Un être... c'est curieux, j'ai vu cela plusieurs fois, des êtres qui sont sans vêtements et qui ne sont pas nus! C'est-à-dire qu'ils ont une espèce de vêtement de lumière. Mais cela ne donne pas l'impression d'une lumière qui irradie ni rien de ce genre. C'est comme une atmosphère. Ce serait plutôt l'aura, l'aura devenue visible; alors cette transparence ne cache pas la forme, et en même temps la forme n'est pas nue... Et alors, du ciel — il y avait un grand ciel qui allait d'en bas jusqu'en haut (c'était comme un tableau), un ciel très clair, très lumineux, très pur — il y avait d'innombrables... des centaines de choses comme des oiseaux qui volaient vers lui et il les attirait d'un geste. Et c'était généralement bleu pâle, blanc; de temps en temps, il y avait comme un bout d'aile ou comme un haut de crête un petit peu sombre, mais c'était accidentel. Et ça venait et ça venait par centaines, et il les rassemblait d'un geste, puis il les envoyait sur la terre (il était debout sur une pente abrupte), il les envoyait en bas, dans la vallée. Et alors, là ça devenait... (Mère rit) c'étaient des opinions! Ça devenait des opinions! Il y en avait des foncées, des claires, des brunes, des bleues...

C'étaient comme des espèces d'oiseaux qui s'en allaient vers la terre, comme ça. Mais c'était une image — ce n'était pas une image puisque ça bougeait. C'était très amusant.

Et il a dit : "Voilà comment se forment les opinions." Ça venait du ciel, un ciel immense, immense et lumineux, clair, qui n'était ni bleu ni blanc ni rosé ni... c'était lumineux, c'était simplement lumineux; et de ce ciel, c'était par... je dis centaines, c'était par milliers qu'ils arrivaient, et lui il était là et il recevait ça, puis il faisait un mouvement des mains et il les envoyait sur la terre, et... ça devenait des opinions! Je crois que j'ai commencé à rire, ça m'a amusée.

C'est curieux.

Et il y avait tout ça qui descendait, qui descendait — le bas, on ne le voyait pas —, ça descendait.

Bon. Alors il se peut que les opinions viennent d'un ciel de lumière! (Mère rit)

Au fond, c'est beaucoup plus expressif par des images que par des mots.

14 septembre 1966

Français